L'Empire Allemand

L'Empire allemand était une confédération constitutionnelle de vingt-deux États monarchiques, trois républiques et le "Reichsland" d'Alsace-Lorraine, placés sous l'autorité du Kaiser ou l'Empereur allemand, chef du pouvoir exécutif. L'empire débute par la proclamation de l'empereur Guillaume Ier le 18 janvier 1871, après la défaite française lors de la Guerre franco-prussienne. Il finit le 9 novembre 1918 par l'abdication de Guillaume II, à l'issue de la Première Guerre mondiale.

L'Unité Allemande Le Droit Local L'Alsace au temps de l'Empire Allemand

Otto von BismarckLe nationalisme allemand est remis à l'honneur en 1862 par le nouveau ministre-président de la Prusse, Otto von Bismarck. Conservateur et patriote, ce dernier est déterminé à ravir la thématique nationaliste aux libéraux et à assurer l'hégémonie de la Prusse sur une Allemagne unifiée.

La guerre contre le Danemark, menée conjointement avec l'Autriche en 1864, se solde par la cession du Schleswig à la Prusse et par celle du Holstein à l'Autriche. Une querelle au sujet de l'administration du Holstein fournit à Bismarck le prétexte pour attaquer - et vaincre - les Autrichiens lors de la guerre austro-prussienne de 1866.

Prenant soin d'écarter Vienne des affaires allemandes, Bismarck institue en 1867 la Confédération d'Allemagne du Nord, qui rassemble les Etats allemands septentrionaux sous l'autorité d'un gouvernement fédéral dominé par la Prusse.

Trois ans plus tard, lors de la guerre franco-allemande, les Etats du Sud (Bavière, Bade, Wurtemberg, Palatinat) acceptent d'entrer dans la Confédération et, le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces à Versailles, le roi de Prusse Guillaume Ier est couronné empereur du nouveau Reich allemand. Bismarck réussit "par le fer et par le sang" là où les libéraux ont échoué. Ces derniers, complètement balayés de la scène politique, doivent s'empresser de conclure la paix avec le tout-puissant ministre prussien. Ainsi l'Allemagne trouve-t-elle enfin son unité mais la mise en œuvre de la démocratie y est considérablement retardée.

L'Alsace de 1871 à 1914 Le Droit Local L'Alsace au temps de l'Empire Allemand

L'opposition au régime prussien est largement répandue en Alsace mais elle repose sur des motifs très différents et parfois contradictoires. La haute bourgeoisie d'affaires, majoritairement protestante et libérale, voit d'un mauvais œil cet Empire autoritaire, où l'influence des "junkers" (aristocrates terriens d'origine prussienne) est encore considérable ; le clergé catholique, qui tient en main sa paysannerie, redoute le mauvais exemple, qu'un souverain protestant peut donner à ses fidèles.

De nombreux immigrants allemands s'installent régulièrement en Alsace ; alors que les Français répugnent à s'établir dans ces régions, les Allemands y voient un pays de Cocagne. En Alsace, ils se retrouvent en des lieux où tout leur semble allemand mais agrémenté d'un art de vivre à la française. À la fois séduits et inquiets par la culture des "Welsches", si différente de la leur, ils voient dans la femme alsacienne un juste milieu entre l'ennuyeuse épouse teutonne et la Parisienne frivole (selon le cliché d'Offenbach), tandis que la femme lorraine leur échappe totalement. Il en résulte que, dans nombre de ménages mixtes, les enfants parlent allemand avec leur père et français avec leur mère, si bien qu'il leur est difficile de haïr la culture française.

L'immigration est surtout très marquée en Lorraine allemande. En Alsace, le fils d'immigré badois se distinguait à peine de l'autochtone, et même Hansi le reconnaissait dans un album écrit vers la fin de sa vie. Au contraire, dans toute la région francophone située entre le charbon de la Sarre et le fer de Briey, les usines se multiplient et fonctionnent grâce à une importante main-d'oeuvre italienne et polonaise. Au XXe siècle encore, lorsqu'une discussion devenait un peu vive au conseil municipal, l'argumentation pouvait se poursuivre en italien dans certaines localités.

Le sentiment français reste encore très fort pendant les quinze premières années d'annexion. Lors des élections au "Reichstag", les 15 députés de 1874, 1881, 1884 (sauf un) et 1887 sont qualifiés de députés protestataires, en raison de leur opposition à l'annexion, par la motion de 1874 : "Plaise au Reichstag de décider que les populations d'Alsace-Lorraine qui, sans avoir été consultées, ont été annexés à l'Empire germanique par le Traité de Francfort, soient appelées à se prononcer spécialement sur cette annexion."

La Première Guerre Mondiale Le Droit Local L'Alsace au temps de l'Empire Allemand

A la veille de la guerre, plus de la moitié des élèves étudie la langue allemande dans les lycées de garçons. En Alsace, le français devient indispensable pour faire figure dans le monde. Plus précisément, une loi de mars 1872 décrète que la langue commerciale officielle est l'allemand. Cependant, dans les secteurs où la population est principalement francophone, les annonces et décrets publics doivent fournir une traduction française. Dans une autre loi de 1873, l'utilisation du français comme langue commerciale a été autorisée pour les administrations des arrondissements partiellement ou totalement de langue française. Une loi sur l'enseignement de 1873 autorise l'enseignement en français dans les secteurs francophones.

Cet attrait linguistique réciproque va malheureusement être balayé par la guerre de 1914-1918. Quatre années d'un conflit interminable créent une véritable haine ethnique : en France, la langue allemande devient la cible d'attaques. La conclusion est sans équivoque : "Cette langue n'est plus tolérable pour nous. La voir écrite nous outrage et nous exaspère. L'entendre et la parler sont un cruel supplice. Aussi le serment a-t-il été déjà prononcé par quelques-uns de bannir après la guerre la langue allemande non seulement du programme de nos études, mais de partout. Qu'elle soit chassée de France, de nos cerveaux et de nos bouches comme le pire des fléaux !"

Dès le début de la Première Guerre Mondiale, Français et Allemands multiplient maladresses et vexations à l'égard des Alsaciens-Lorrains. Charles Spindler raconte que son neveu, habitant Berlin, fut mobilisé dans un régiment prussien ; arrivé à la gare de Strasbourg il entendit l'adjudant mettre ainsi en garde ses soldats : "Maintenant vous êtes dans un pays de s…, agissez en conséquence !" À Bergheim un simple d'esprit originaire d'une vallée francophone, incapable de s'expliquer en allemand est contraint de creuser sa tombe, avant d'être fusillé devant une population révoltée et impuissante.

La proximité du front oblige l'armée à loger chez l'habitant, dans des conditions proches des dragonnades. L'interdiction de parler français en public accroît encore l'exaspération des autochtones, habitués depuis toujours à mêler des bribes de français dans la conversation. Les Allemands immigrés pensent faire preuve de patriotisme en participant à la traque, accentuant encore la division de la population entre une minorité toute-puissante et une majorité assoiffée de vengeance.

Evolution du IIème Reich de 1871 à 1919

Déplacez le curseur sur la carte pour découvrir les territoires perdus par l'Allemagne lors de la signature du traité de Versailles.

Le 28 juin 1919, le traité de Versailles marque officiellement la fin de la guerre. Il est signé dans la Galerie des Glaces de Versailles, à l'endroit même où le second Reich avait été proclamé. L' Allemagne perd ses colonies, ainsi que l'Alsace-Lorraine, restituée à la France, les districts d'Eupen et de Malmédy, cédés à la Belgique, la Posnanie et une partie de la Prusse-Occidentale formant le "couloir de Dantzig", données à la Pologne. Elle doit en en outre payer un lourd tribut pour sa responsabilité dans la guerre.