La Guerre de Trente Ans

La guerre de Trente Ans n'est pas seulement la dernière guerre de religion confrontant catholiques, luthériens et calvinistes dans toute l'Europe centrale et occidentale ; remarquable par sa durée, elle marque le passage des derniers États de type médiéval - ceux d'Allemagne, dont la structure en 1618 est encore caractéristique du Moyen Age - aux Temps modernes.

La Guerre de Trente Ans

Les Origines du Conflit L'Alsace au temps du Saint Empire

Avant l'abdication de Charles Quint, les princes luthériens obtiennent, en 1555, l'application du principe selon lequel la religion du prince s'impose à ses sujets. Le protestantisme continue ainsi de réaliser de grands progrès dans les États des Habsbourg, surtout en Bohême. De leur côté, les catholiques réagissent ; ils fondent des écoles et parviennent à gagner la confiance de quelques princes allemands.

Protestants et catholiques ne cessent de se défier et s'organisent. L'Union évangélique rassemble une partie des protestants autour de l'Électeur calviniste du Palatinat et obtient le soutien de la France, tandis que la Ligue regroupe les catholiques autour du duc de Bavière, avec le soutien de l'empereur et de l'Espagne.

Après Rodolphe, l'empereur Mathias souhaite maintenir la paix mais la désignation de son cousin Ferdinand de Styrie, catholique ardent, pour lui succéder, ainsi que la destruction d'un temple, ordonnée par l'archevêque de Prague en 1618, poussent les Défenseurs de la foi à convoquer une diète le 5 mai.

Le 21 mai, les Défenseurs de la foi reçoivent cependant une lettre du roi leur interdisant de se réunir. Le 23 mai 1618, au palais du Hrad, à Prague, ils rencontrent quatre représentants du roi, qu'ils rendent responsables de la lettre du 21 mai ; deux des représentants sont jetés par une fenêtre - leur chute est amortie par un tas d'immondices, et ils parviennent à fuir sans être inquiétés.

Le 20 mars 1619, la mort de Mathias fait de son héritier, le Habsbourg Ferdinand de Styrie, le nouveau roi de Bohême. Mais les nobles de Bohême refusent de se soumettre ; ils prononcent sa déchéance le 19 août et élisent au trône de Bohême le chef de l'Union évangélique, l'Électeur palatin Frédéric V.

Or, le 28 août 1619, Ferdinand est élu empereur à Francfort, sous le nom de Ferdinand II. Il cherche aussitôt à mater la révolte, avec l'aide de son cousin Philippe III d'Espagne, du duc Maximilien de Bavière et de l'Électeur de Saxe.

Les Phases de la Guerre L'Alsace au temps du Saint Empire

Le premier objectif de Louis XIII, souverain catholique aux prises, dans son propre royaume, avec les menées des protestants, est d'aider les Habsbourg : il propose une médiation entre les forces en présence, qui aboutit au traité d'Ulm le 3 juillet 1620. Luthériens et catholiques se promettent mutuellement de faire la paix dans tous les territoires du Saint Empire. La trêve de Douze Ans conclue avec les Provinces-Unies arrive à son terme en 1621 et la guerre reprend aussitôt.

La politique extérieure française vise à contrecarrer les intérêts de l'Espagne en Europe, notamment par des alliances défensives, qui lui ferment la route entre le Milanais et les Provinces-Unies. De même, la soumission de la Lorraine en fait un glacis défensif protégeant Paris d'une intervention espagnole.

Le 23 janvier 1631, par le traité de Bärwald, Louis XIII offre le soutien financier de la France au roi de Suède et lui promet des versements annuels de 400.000 écus en échange de son intervention en Allemagne ; Gustave-Adolphe s'engage à respecter l'exercice du culte catholique et l'indépendance de la Bavière, alliée du roi de France. Le traité est conclu pour cinq ans.

Mais les succès de Gustave-Adolphe inquiètent Louis XIII et Richelieu : la France ne souhaite pas voir les Suédois contrôler l'Alsace. Sa mort renverse la situation ; elle laisse à la tête du parti protestant deux princes de moindre envergure : l'Électeur de Saxe et celui de Brandebourg.

Richelieu résiste aux injonctions des Suédois à entrer immédiatement en guerre ; les finances du royaume sont calamiteuses, les troupes sont mal entraînées et dirigées par de piètres généraux, même si l'armée compte, en théorie, environ cent cinquante mille hommes. Le cardinal s'attache donc à intensifier l'effort de préparation à la guerre. Le 1er novembre 1634, il négocie à Paris une alliance avec les Suédois et les princes de l'Union évangélique, visant à l'occupation de l'Alsace par la France et à la guerre ouverte avec l'empereur. Un traité d'alliance est également signé entre la France et les Provinces-Unies le 8 février 1635.

L'événement déclencheur de l'entrée en guerre de la France est l'enlèvement, le 26 mars 1635, par les Espagnols, de l'Électeur de Trèves, Philippe de Sötern, prince allié de Louis XIII. La déclaration de guerre n'est adressée qu'à l'Espagne ; Louis XIII indique ainsi que son premier objectif n'est pas le règlement de la question allemande, mais celui de la vieille rivalité entre Habsbourg et Bourbon. L'Espagne entraîne l'empereur, qui déclare à son tour la guerre à la France en décembre 1636.

La France et la Suède concluent une alliance offensive et remportent une série de succès. La mort de Richelieu en décembre 1642, puis celle de Louis XIII en mai 1643 ne mettent pas un terme aux opérations militaires. La politique de Mazarin pousse cependant à une négociation générale.

Les Traités de Westphalie L'Alsace au temps du Saint Empire

Après 1640, la guerre est terminée en Alsace. Au moins la moitié de la population, et même davantage dans les campagnes, a disparu. Des épidémies de peste et la famine ont vidé des villages entiers. A titre d'exemple, à Riedisheim, (autre village d'origine de la famille Nithard avec Eschentzwiller, qui a été complètement dévasté), on ne comptait plus que 30 bourgeois propriétaires en 1639 et seulement 7 (dont des Nithard) en 1640 ! A Eschentzwiller les Nithard, nombreux avant la guerre de 30 ans, furent les seuls survivants des anciennes familles, avec les Karm.

Les champs sont en friche, envahis par les broussailles. Selon une chronique de Thann, on dévore les herbes, les racines, les feuilles, les rats, les souris et les cadavres des pendus.

Seules deux villes n'ont pas connu ces souffrances : Strasbourg et Mulhouse. Grâce à sa neutralité et aux fournitures aux diverses armées cette dernière s'est beaucoup enrichie...

En 1648, les traités de Westphalie, qui rétablissent la paix et garantissent leurs possessions aux protestants, sont signés. La France obtient les droits et les possessions des Habsbourg en Alsace, soit :

- La propriété de leurs terres en Alsace, (80% de l'actuel département du Haut Rhin)
- Les titres de "Landgrave" de Basse et Haute Alsace
- La "Landvogtei" de Haguenau, c'est à dire la protection de la Décapole.

NB : La Décapole est constituée dès 1354 de villes ayant les mêmes intérêts sur le plan économique et politique et souhaitant conserver leur autonomie interne et garantir leur sécurité. Il s'agit de Mulhouse, Munster, Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Sélestat, Obernai, Rosheim, Haguenau, Wissembourg et Landau. Ces villes étaient placées sous le protectorat du grand-Bailli ou préfet de Haguenau, l'Archiduc d'Autriche. Mulhouse, Strasbourg et Bâle avaient le statut de ville libre d'Empire (freie Reichstadt). Mulhouse demeura jusqu'à la Révolution, une république indépendante, alliée aux cantons protestants suisses.